Forêt vierge

José Maria Ferreira de Castro

Cette fiction est basée sur l'expérience de l'auteur qui a lui-même été saisi par la fièvre du caoutchouc, dans sa prime jeunesse. Elle constitue un précieux document sur le fonctionnement d’une plantation amazonienne, à cette époque. Au fil des pages, on voit avec quelle perversité la main-d’œuvre était exploitée et prise au piège.

Un exilé politique piégé dans une plantation de caoutchouc

Alberto avait soutenu la monarchie lors des troubles politiques qui ont conduit à l’instauration de la république au Portugal. Traqué, il s’est exilé à Belém, au Brésil. Le jeune homme est maintenant au chômage et demeure à la charge de son oncle. Celui-ci, qui n’apprécie guère la situation, saisit la première opportunité pour envoyer son neveu travailler dans une plantation de caoutchouc.

 
Traduit du portugais
par Blaise Cendrars

294 pages
Editions Grasset,
Collection Les Cahiers Rouges
1988

Après quelques semaines de traversée à bord du bateau Justo Chermont, Alberto arrive à destination, dans le domaine du Paradis. Étant donné son niveau d’instruction – il était étudiant en droit à Lisbonne –, il s’attendait à intégrer l’administration de la plantation de caoutchouc. Le propriétaire, Juca Tristão, n’en tient aucun compte. Il le prend comme seringueiro ; c’est-à-dire récolteur de latex.

Alberto est envoyé à Todos-os-Santos, une parcelle reculée de la concession. C’est sur ce site qu’il va travailler. On lui définit son parcours. Celui-ci est jalonné d’arbres à caoutchouc qu’il doit entailler pour faire sortir et récolter le latex. La tâche n’est pas évidente. Heureusement, il est supervisé par Firmino qui lui enseigne volontiers les bases de cette technique.

Description du mécanisme d’asservissement des seringueiros

Comme la majorité des seringueiros du Paradis, Firmino est originaire du Ceará, dans le nord-est du Brésil. Dans cette région sévissait une sécheresse terrible qui les a fait tomber dans la misère. Pleins d’espoirs, ils ont accepté les offres de travail des exploitants de caoutchouc. Ils pensaient rester en Amazonie le temps de réunir un bon pécule et projetaient de retourner assez vite dans leur village. Une fois sur place, ils ont été confrontés à une autre vie de misère.

Le système de production, au sein de la plantation de caoutchouc, est organisé de telle façon que les gains des ouvriers compensent difficilement leurs charges. Les seringueiros paient un prix démesuré pour leur nourriture, leurs ustensiles et leur matériel de travail. Isolés dans la forêt amazonienne, ils ne peuvent se fournir ailleurs. Leurs revenus sont modiques, car ils sont basés sur le cours du caoutchouc. Et celui-ci a perdu beaucoup de sa valeur depuis que les Anglais se sont mis à l’exploiter. Tant qu’ils ne remboursent pas leurs dettes, les seringueiros ne peuvent quitter la plantation.

Un système d’exploitation à l’avantage des magnats du caoutchouc

Ce procédé d’endettement présente de nombreux avantages pour Juca Tristão, le propriétaire du Paradis. Il a une main-d’œuvre permanente à disposition. En dépit de la chute du cours du caoutchouc, il dégage de bons bénéfices, grâce à la modestie des rétributions données aux seringueiros. Il n’est pas le seul à agir ainsi. Ce système a été adopté par l’ensemble des exploitants de caoutchouc.

Alberto réalise très vite quel est le sort d’un seringueiro. Il se sent pris en otage. Cela le met au désespoir. Lui le citadin, plus familier des bancs de l’université que de la forêt équatoriale, se retrouve à saigner des arbres ! Il se débrouille d’ailleurs moyennement dans cette tâche. Cela lui attire des ennuis avec les contremaîtres qui ont à l’œil ce jeune homme cultivé. Il risque en plus sa vie. Le seringueiro qui le précédait sur le même parcours s’est fait décapiter par les Indiens Parintintins. L’objectif d’Alberto est de rembourser sa dette. Va-t-il y parvenir ?

Un témoignage direct sur la période de la fièvre du caoutchouc

Si le système d’exploitation du caoutchouc est si bien décrit dans ce roman, c’est que José Maria Ferreira de Castro, l’auteur, l’a lui-même vécu. À 12 ans, il s’est embarqué pour le Brésil, loin de la misère de son Portugal natal. Pendant quatre ans, il s’est retrouvé à travailler comme seringueiro dans une plantation de caoutchouc. Comme le Paradis, elle était nichée en pleine la forêt amazonienne, sur les berges du Rio Madeira. Il a réussi à s’en échapper.

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