Forêt amazonienne - Photo credit: photobytali on Visualhunt
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Les Seringueros, l’épopée de l’évasion d’une plantation de  caoutchouc

« Seringueros » est le terme espagnol pour désigner les récolteurs de latex. Dans ce roman, ils sont au cœur de l’action. Les mauvais traitements qu’ils subissent sont si éprouvants qu’il ne leur est pas laissé d’autre issue que de terminer leur vie misérablement dans la jungle amazonienne. Certains seringueros se décident cependant à réagir. Un récit d’aventures qui dévoile la violence et les abus du temps de la fièvre du caoutchouc.

Plantation de caoutchouc : saignée sur une encoche faite à hévéa
Saignée sur une encoche - Photo credit: manhhai on Visualhunt.com

Prisonniers au cœur de l’Amazonie, dans une exploitation de caoutchouc

Archimède, dit el Nordestino, travaille comme seringuero au cœur de la forêt amazonienne. Il espérait rembourser rapidement sa dette qui était d’un modeste montant. Mais c’est tout le contraire. Il se trouve piégé. Plus il travaille, plus sa dette augmente. Son logement, sa nourriture, son matériel lui sont facturés à des prix exorbitants. Tant qu’il n’a pas remboursé sa dette, il ne peut partir. Les sbires de Carmelo Sierra, le propriétaire de la plantation de caoutchouc, l’en empêcheraient. Ils sont postés à des endroits stratégiques et sont bien armés. Aucun fugitif ne leur échappe.

Howard, surnommé el Gringo, est un ancien homme de main de Carmelo Sierra. Celui-ci l’a puni parce qu’il avait eu une aventure avec sa maîtresse, Claudia. Il l’oblige désormais à travailler comme seringuero.

Claudia subit aussi la vengeance de Carmelo Sierra. C’est contre sa volonté qu’elle est la maîtresse de celui-ci. L’Argentin l’a achetée et fait d’elle son esclave sexuelle. Il décide de lui faire payer son écart avec el Gringo, en livrant son corps à tous les travailleurs de l’exploitation de caoutchouc. Elle est ainsi prostituée de force.

Ramiro est le frère d’un chef amérindien Aucas. Il est originaire de la rive droite du fleuve Kapo dans l’Amazonie équatorienne. Il a été capturé avec d’autres membres de sa tribu – femmes et enfants compris – pour servir de main-d’œuvre, ou plutôt d’esclaves, dans l’exploitation de caoutchouc de Carmelo Sierra. Ramiro travaille en compagnie d’Archimède à la récolte du latex.

Le défi de la traversée de la forêt amazonienne

Archimède, Howard, Claudia et Ramiro ont conscience que leur vie est sacrifiée sur l’autel des profits et de la mesquinerie de Carmelo Sierra. Ils savent qu’ils succomberont sous peu à la cruauté de celui-ci. Ils décident alors de s’enfuir. Ce projet ne s’improvise pas. Ils doivent bien calculer leur coup. Un échec signerait leur mort assurée par les tortures les plus barbares. Carmelo Sierra n’hésiterait pas à les faire dévorer vivant par les piranhas.

Les quatre comploteurs parviennent à s’échapper de l’exploitation de caoutchouc. Il faut dire qu’ils se servent intelligemment des atouts de chacun. Claudia feint la séductrice et neutralise sa victime lorsque celle-ci se met naïvement entre ses mains. Howard est très adroit avec les armes. Ramiro connaît parfaitement la forêt amazonienne. C’est lui qui guide ses compagnons dans la bonne direction. Archimède se révèle être, pour l’occasion, un bon meneur et coordinateur. Il ne pensait pourtant pas avoir cette qualité.

Les fugitifs ne sont pas sortis d’affaire. De nombreux obstacles se trouvent sur leur chemin. Ils risquent de se faire prendre par les nombreux sbires que Carmelo Sierra a postés sur sa très vaste concession. Et si ce n’est pas Carmelo Sierra, ils peuvent se faire attraper par les hommes d’un autre exploitant de caoutchouc. Les quatre compagnons d’évasion doivent également s’acclimater à l’environnement dans lequel ils errent. La forêt amazonienne et les fleuves qui la traversent ne sont pas sans dangers, même pour un homme aussi expérimenté que Ramiro.

Les répercussions causées par le travail forcé

Le récit de la fuite tient le lecteur en haleine. Les obstacles se dressent les uns après les autres. Les fugitifs doivent faire preuve d’habileté et mobiliser leurs ressources tant physiques que mentales. S’ils perdent espoir au milieu de cette jungle, ils sont perdus. Il est essentiel qu’ils restent complices et solidaires.

La violence est omniprésente dans ce roman. Les propriétaires des exploitations de caoutchouc ne lésinent pas sur les persécutions pour favoriser la productivité et conserver une main-d’œuvre docile. Rongées par leur condition d’esclave, leurs victimes se comportent elles-mêmes avec brutalité. L’auteur, Alberto Vazquez Figueroa, montre comment chacun des quatre compagnons de cavale a été affecté par le travail forcé et la captivité. La libération n’apaise pas les tourments qu’ils ont endurés. Ils peinent à se reconstruire et, par manque de confiance, sont réticents à nouer des contacts humains.

Archimède exprime à plusieurs reprises le même espoir : la fin du monopole amazonien sur le caoutchouc suivi de l’effondrement de son cours. Il ne sait pas encore que les Anglais réaliseront son souhait. En transplantant des arbres à latex dans leurs colonies, ils ont indirectement mis un terme à la fièvre du caoutchouc et aux abus qui l’ont accompagnée.

Vestige d'un train circulant sur une ligne de chemin de fer construite en Amazonie durant la fièvre du caoutchouc
Vestige de l'Express circulant sur la ligne Madeira-Mamoré établie pour le transport du caoutchouc en Amazonie
Les Seringueros - Alberto Vazquez Figueroa

Un regard littéraire sur la fièvre du caoutchouc

Les Seringueros 
Alberto Vazquez Figueroa
Traduit de l’espagnol par Claude Carme
282 pages
Editions J.C. Lattès, 1980